Le coeur de la méthode Feldenkrais repose sur la prise de conscience de son corps à travers les sensations kinesthésiques qui y sont reliées lors du mouvement. Il s'agit de visiter ses mouvements dans l’espace et ses actions tels qu’ils se passent dans leur environnement, sans a priori ni jugement, afin de l’habiter le mieux possible, tirer parti de ses potentiels et de laisser émerger de nouvelles solutions.

C'est une forme d’apprentissage qui prend ses racines dans les sciences occidentales et orientales, la sagesse et le bon sens comme base de l’évolution : les lois de la mécanique notamment celles du mouvement des corps dans le champ de la gravitation, les facultés d’apprentissage du système nerveux central et certains principes fondamentaux des arts martiaux japonais.

Les apprentissages stimulent la recherche d’une organisation plus aisée et efficace pour ses actions, tant dans la vie quotidienne que dans la pratique d’un sport ou d’un art, la recherche de souplesse des articulations, de coordination des mouvements, de mobilité de la cage thoracique et du bassin, de flexibilité de la colonne vertébrale, l’étude des tensions inutiles et de leurs influences sur la respiration, la réflexion...

L’éducation somatique aborde la personne dans sa globalité, elle part du principe que les différentes dimensions de l’être humain – notamment motrice, mentale et émotionnelle – sont interdépendantes. Elle propose, par le mouvement, des expérimentations qui sollicitent ensemble ces différentes dimensions de la personne, en la mettant en relation avec son environnement. Pour certains aspects, on peut dire que la méthode Feldenkrais est un exemple de neurosciences appliquées proche des méthodes « cousines », telles que la technique Alexander, l’eutonie ou la gymnastique holistique Ehrenfried.

La Méthode Feldenkrais ne revendique pas d’être une thérapie, mais une pédagogie au service de la connaissance de soi. Ses praticiens se définissent comme des enseignants.

Deux formes d’enseignement (collectives ou individuelles) s'appuient sur des mises en situations confortables mais inhabituelles, des effets de relaxation et d’éveil de la curiosité qui stimulent les capacités autorégulatrices de l’organisme. Le pratiquant découvre alors une organisation de ses activités plus efficace et adaptée à ses besoins, trouve des solutions à des difficultés (un genou ou un bras douloureux provenant souvent d’un fonctionnement « conflictuel ») ou après des traumatismes divers (muscles, squelette, système nerveux, douleurs articulaires, fatigue liée à une façon peu efficace d’effectuer ses actions de travail ou de loisirs). Il ne s’agit pas de réfléchir en permanence à la façon de lever ou bouger mais bien de monter un escalier librement et légèrement, de lever un bras sans avoir à y penser. En un mot, il s’agit simplement de vivre.

La pratique de la Méthode Feldenkrais permet de découvrir – par l’expérience – à quel point des aspects de soi que l’on croyait immuables sont au finalement très flexibles : lorsque ces aspects ont été appris dans l’enfance ou plus tard, ils peuvent continuer d’évoluer lorsque l’apprentissage reprend (ex : la façon de se tenir sur une chaise, la façon d’être debout, la façon de réagir à un problème, de tenir ses épaules), tous ces aspects sont beaucoup plus malléables qu’on ne le croit en général. Les limitations dans l’ampleur ou la fluidité d’un mouvement ne proviennent pas toujours de limites mécaniques au niveau des articulations. Elles proviennent souvent de la façon dont le système nerveux central organise le mouvement, en utilisant la plupart du temps des schémas habituels acquis. Or le système nerveux central apprend en permanence de l’expérience vécue, et ce quel que soit l’âge. (alors qu'on pensait que le système nerveux achevait son apprentissage au début de l’âge adulte,). Des réorganisations massives peuvent se produire, le cerveau peut d’une certaine façon changer sa façon de fonctionner (neuroplasticité).

La méthode Feldenkrais donne ainsi à chacun la possibilité d’être plus autonome et confiant dans son aptitude à trouver ses propres solutions lorsqu’il entreprend ses actions. On peu pratiquer cette méthode pour le plaisir de se sentir mieux, plus légers et plus détendus. Chacun-e peut trouver dans cette pratique un champ d’apprentissage susceptible de le nourrir, pour ses activités artistiques, sportives, scientifiques, ou pour sa santé (prévention, aide à la guérison), gérer son handicap, pour son bien-être… Une forme de loisir qui améliore la vie quotidienne.

Séance

Collective : les leçons de Prise de Conscience par le Mouvement (PCM) sont dispensées en groupe. L’enseignant propose oralement des séquences de mouvements, souvent au sol, parfois assis ou debout, pendant lesquels les élèves sont invités à explorer et observer les sensations liées à leur façon d’organiser leur mouvement. Après une observation de ses schémas habituels, l'élève est invité à effectuer des alternatives, des mouvements inhabituels qui mettent en relation des parties du corps de manière originale. Objectif : la qualité du mouvement, la découverte de la facilité plutôt que la tension vers un objectif à atteindre à tout prix.

Approcher ses coudes et ses genoux, allongé-e, et prendre conscience de la façon dont on est sur le sol ; lever la tête pour regarder en direction de ses genoux et voir comment on s’y prend puis en évaluer le poids ; entrecroiser ses mains, les mettre derrière la tête et sentir comment la tête est soulevée dans cette configuration ; plier les jambes et approcher délicatement les genoux, puis jouer avec la distance entre ses coudes et ses genoux. ; approche d'un coude du genou du même côté ou en diagonale, ou bien approche d'un genou vers le coude du même côté ou en diagonale…

Ces exercices favorisent la découverte des relations entre le mouvement de ses coudes et certaines parties du tronc, les relations entre le mouvement de ses genoux et le bassin, la colonne vertébrale,...

Au final, l'élève est invié à comparer son nouvel état avec celui du début de la séance, ce qui peut donner de nouvelles idées pour la vie quotidienne.

Individuelle : Ces « leçons » répondent la plupart du temps à un souhait spécifique, comme l’envie de se tenir plus confortablement assis, ou de se sentir plus léger, ou d’améliorer un mouvement sportif ou d'acteur ou professionnel. Les leçons d’Intégration fonctionnelle (IF) sont conçues dans le même esprit que les leçons de PCM, mais le praticien dialogue principalement par le toucher avec son élève. A l’aide de ses mains, il propose à l’élève certains mouvements, souvent de faible amplitude, et observe comment ces mouvements se déroulent. Pour atteindre leur objectif de réorganisation du mouvement, les mobilisations se doivent d’être habiles, d’évoquer la sécurité, et de se limiter à l’amplitude confortable pour l’élève. Ce faisant, elles attirent l’attention de l’élève sur le lien entre sensation et mouvement, et lui permettent d’accéder à des possibilités souvent agréablement surprenantes car jamais explorées. Le participant acquiert une image de plus en plus claire de son anatomie, sent son propre squelette en mouvement dans l’espace, ressent les relations entre les os, les muscles, les émotions liées à certains schémas de contraction…

Histoire

A ses débuts la méthode Feldenkrais a été un outil de choix pour les pratiquants du monde de la danse moderne ou classique, des musiciens tels Yehudi Menuhin ou Narciso Yepes, des comédiens pour intégrer le texte à l’expression corporelle tels Peter Brook et sa fille, des sportifs tels les golfeurs et les pratiquants d’arts martiaux. Depuis, les outils de la méthode Feldenkrais sont utilisés dans la rééducation post-traumatique en complément de la kinésithérapie traditionnelle, pour l'amélioration de la mobilité des personnes handicapées (adultes et enfants) et des troubles de l’apprentissage, la récupération post-natale, la prévention des troubles musculosquelettiques, le traitement des troubles du sommeil, la prévention de l’ostéoporose.

Moshé Feldenkrais (1904-1984), qui est né en 1904 à la frontière de la Pologne et de l’Ukraine vit de 14 et 24 ans en Palestine (sous occupation britannique) et participe à la construction des prémices de l’état d’Israël. Passionné de Jiu-Jitsu il publie un livre d’auto-défense qui - interdit par l’administration britannique - le contraint à fuir vers la France. Diplôme d’ingénieur en poche il travaille ensuite à Paris dans le laboratoire des physiciens Paul Langevin et Frédéric Joliot-Curie et il obtient son doctorat.

Il fait la rencontre de Jigoro Kano en visite à Paris, le fondateur d'une discipline inconnue à l’époque : le Judo. Kano, ayant pris connaissance de son livre d’auto-défense demande à Feldenkrais d’apprendre lui-même le Judo afin de l’introduire en Europe.

En 1930 M. Feldenkrais ouvre de premiers clubs, écrit des ouvrages en français sur les arts martiaux, et crée en 1947 le Ju-jitsu club de France, embryon de la future fédération française de Judo. La guerre et l’avancée allemande aux portes de Paris l'éxilent en Angleterre où ses compétences scientifiques le conduisent à être recruté par les services secrets de la marine britannique.

Blessé au genou, il veut guérir de sa blessure dont les chirurgiens estiment que l'opération a 50% de chance d’améliorer sa condition mais que partiellement. Feldenkrais décide alors d’explorer lui-même comment se déplacer sans douleur.

Sa double passion pour les disciplines qui s’appellent de nos jours « neurosciences » et des arts martiaux, couplées à sa rigueur de physicien le mènent à ébaucher les premières esquisses de sa méthode. Une entorse à la cheville de l’autre jambe l'oblige à réorganiser son mouvement. En une nuit c'est chose faite aussi il en déduit que c’est le système nerveux qu’il faut étudier car c’est lui qui change si vite.

Sa femme qui est pédiatre lui transmet des livres pour comprendre comment un enfant élabore son mouvement au fil de ses premières années. Il;observe les enfants et se rend compte que lui-même apprend beaucoup en affinant des gestes très simples et des situations qu’il n’a pas explorées depuis l’enfance : être sur le ventre et lever la tête, ramper, marcher à quatre pattes…

Peu à peu il soulage ainsi ses douleurs et se trouve bien mieux qu’avant le début de ses problèmes physiques. Il essaie sa méthode pour soulager des proches et se rend compte qu’elle fonctionne aussi pour eux, puis pour ne nombreuses autre personnes.

A partir de 1950, Moshé Feldenkrais développe sa méthode et forme certains de premiers élèves à sa pratique. Sa méthode se développe progressivement en Israël, en Suisse, et en Californie dans le bouillonnement culturel et scientifique d’où ont émergé les grandes méthodes d’éducation somatique actuelles. Feldenkrais développe ses recherches et est invité à des rencontres avec les scientifiques et chercheurs de l’Université de Novato, notamment Thomas Hanna, professeur de philosophie et premier théoricien de l’éducation somatique.

A la fin des années 70, deux pôles d’activités importants existent pour la pratique de la méthode : Israël et la Californie. Dans les années 80 le continent européen voit arriver la Méthode Feldenkrais .

L’idée de Feldenkrais selon laquelle « si on sait ce que l’on fait, on peut faire tout ce qu’on veut » , c’est tellement important ! (Stuart Seide, directeur du Théâtre du Nord, Lille).

La formation des praticiens, suivi par tous les organismes accrédités dans le monde, comprend 800 heures réparties sur quatre ans. L’accent est mis sur la pratique, afin d’éveiller la perception de ses propres sensations. L’objectif est que le praticien dispose d’une connaissance vécue et testée, plutôt que théorique.

Pour aller plus loin

Livres : "La conscience du corps" de Moshé Feldenkrais (Ed Marabout);
"Le guide de la méthode Feldenkrais pour les gens pressés. 50 leçons de mouvements pour développer un corps sain, plaisant, libre et intelligent", de Frank Wildman (Éditions Beliashe)

Sites internet : http://www.feldenkrais-france.org (association Feldenkrais France) ; http://feldenkrais-method.org (International Feldenkrais Federation IFF) ; http://education-somatique.ca (Regroupement pour l’Education Somatique RES)